Le retour de Maverick

Dans un précédent article, nous nous étions penchés sur les décorations portées par le lieutenant Pete Mitchell dans le premier film Top Gun (1986). Pour ceux qui auraient besoin qu’on leur rafraichisse la mémoire, il portait alors quatre décorations : Navy « E » Ribbon, Navy Expeditionary Medal, Humanitarian Service Medal et Navy and Marine Corps Sea Service Deployment Ribbon.

Trente-six ans plus tard, le célèbre Tom Cruise est de retour sur les écrans avec Top Gun: Maverick, réalisé cette fois par Joseph Kosinski. Si Maverick pilote toujours son emblématique moto Kawazaki GPZ900R, il ne vole plus sur son mythique F-14 Tomcat mais sur un étonnant Lockheed Martin SR-72, un projet américain d’avion hypersonique de surveillance, de renseignement et de reconnaissance.

En effet, dès le début de ce nouvel opus, nous le retrouvons comme pilote d’essai pour le compte de l’US Navy dans le cadre d’un programme de vol visant à atteindre la vitesse de Mach 10. Notre héros atteint même Mach 10,4 pour un temps très court, avant que son avion ne se désintègre.

Une nouvelle fois, Maverick a franchi les limites, fidèle à son personnage du premier film, dans lequel Iceman lui lançait déjà : « à chaque fois que tu montes dans un avion, tu es incontrôlable. Je ne t’aime pas parce que tu es dangereux. » 

Après avoir de nouveau pris une soufflante, nous découvrons que son avancement s’est arrêté au grade de capitaine de vaisseau (« captain » dans l’US Navy). Ce grade précède celui de rear admiral (littéralement « amiral de l’arrière »), qui est un grade d’officier général dans la Marine militaire américaine.

Dès lors, les spectateurs peuvent être surpris par le grade détenu par Maverick, un avis qui est d’ailleurs partagé par son supérieur hiérarchique :

Plus de trente ans de service, médaillé de guerre, plusieurs citations, seul homme à avoir abattu trois appareils ennemis ces quarante dernières années et pourtant vous n’êtes pas promu, vous refusez la retraite et, en dépit de tous vos efforts, vous n’êtes toujours pas mort. Vous devriez au minium être contre-amiral à l’heure qu’il est et vous en êtes encore là, capitaine de vaisseau. Pourquoi ?

Rear admiral Chester « Hammer » Cain

Si Maverick n’a pas eu l’avancement en grades qu’on attendait de lui, c’est pour une raison assumée : continuer à voler ! Il n’a ainsi pas ménagé son engagement opérationnel puisque que, dans cet intervalle de temps, il a participé à la guerre du Golfe – en particulier au Koweït (opération Desert Storm) – et à de nombreuses opérations extérieures, parmi lesquelles celles d’Irak, d’Afghanistan et des Balkans.

Retour à TOP GUN

Depuis le premier film, le plus déjanté des pilotes de Top Gun est titulaire de trois victoires aériennes sur des MiG-28, dont les silhouettes ornent d’ailleurs le flan de son F/A-18 E. L’US Navy vient donc le chercher pour mettre à profit ses compétences hors normes.

Maverick reçoit alors la mission de préparer et de sélectionner des équipages des Boeing F/A-18 E et F Super Hornet en vue d’une frappe aérienne des plus complexes. La cible : une usine souterraine d’enrichissement d’uranium dans un pays doté de F-14 Tomcat. Un seul pays au monde pourrait correspondre à cette description – l’Iran – mais il ne sera jamais cité dans le film.

L’aventure ramène donc notre pilote fétiche dans les locaux de Top Gun, lui qui y avait déjà été affecté une première fois comme instructeur, immédiatement après ses faits d’armes de 1986. Toutefois, l’action ne se déroule plus à Miramar (Californie) comme dans le premier opus, mais à Fallon (Nevada), l’école ayant été amalgamé dans le Naval Aviation Warfighting Development Center en 1996.

Les décorations de Maverick

Avec de tels états de service, quid de ses décorations ? Il faut attendre plus d’une heure de film pour observer une première fois les décorations de Maverick, à l’occasion des funérailles de son ami Iceman.

Vient ensuite une seconde scène dans laquelle Maverick renoue avec son amie Penny, une fille d’amiral qui a été évoquée dans une réplique du premier film, tenant le bar proche de l’école d’aviation. Il s’agit peut-être d’une demande en mariage avant de partir au combat, tandis qu’il revêt le grand uniforme blanc (Full Dress White) avec sa barrette de décoration complète.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Maverick n’a pas démérité depuis ses combats aériens du premier film, puisqu’il a notamment été décoré de la Silver Star et de la Legion of Merit.

 
Silver Star – 3e rang dans l’ordre de préséance américain
Legion of Merit – 4e rang dans l’ordre de préséance américain

La Silver Star (« Étoile d’argent ») est attribuée à une personne qui, servant à n’importe quel titre dans l’armée des États-Unis, aura été citée pour bravoure en opération contre l’ennemi. Son attribution est d’ailleurs proche de celle de la croix de la Valeur Militaire française (ou autres croix de guerre), toutes deux récompensant des faits de guerre.

La Legion of Merit (« Légion du Mérite »), quant à elle, est une décoration militaire des États-Unis créée en 1942 et décernée pour conduite exceptionnelle en période de guerre. Elle peut, pour les militaires, être assimilée à notre Légion d’honneur. Comme celle-ci, elle possède une croix à cinq branches et son attribution se base sur un système de grades (mais pas de dignités) conditionné au grade militaire du récipiendaire.

Ces décorations ne sont pas les plus élevées dans le système de récompense de la Marine américaine puisqu’au-dessus d’elles existent la prestigieuse Medal of Honor, décernée pour « courage et intrépidité au péril de sa vie et au-delà du devoir », la Navy Cross récompensant « l’héroïsme extraordinaire » et la Navy Distinguished Service Medal attribuée pour services méritoires.

Plus concrètement, cela nous donne le placard suivant :

De gauche à droite et de haut en bas : Silver Star, Legion of Merit, Defense Meritorious Service Medal, Meritorious Service Medal, Air Medal (5 vols et/ou bombardement), Navy and Marine Corps Commendation Medal, Navy and Marine Corps Achievement Medal, Combat Action Ribbon, Joint Meritorious Unit Award, Navy « E » Ribbon, National Defense Service Medal, Armed Forces Expeditionary Medal, Southwest Asia Service Medal (3 attributions), Afghanistan Campaign Medal (3 attributions), Iraq Campaign Medal (3 attributions), Global War on Terrorism Expeditionary Medal, Global War on Terrorism Service Medal, Navy and Marine Corps Sea Service Deployment Ribbon, United Nations Medal, Kuwait Liberation Medal (Koweït), US Navy Expert Rifleman Medal, US Navy Expert Pistol Shot Medal

Mais ce n’est pas fini…

Dans l’avant-dernière scène de combat aérien, Maverick sauve la peau de Rooster en s’interposant entre son avion et le missile qui allait l’atteindre. Pour avoir fait preuve d’une bravoure exceptionnelle lors d’un affrontement sous le feu ennemi, notre héros se verrait normalement décerner la Medal of Honor.

En effet, la plus haute distinction américaine récompense les militaires de l’armée américaine qui se sont distingués en mettant leur vie en péril au profit de l’intérêt général, en accomplissant un acte tel que son inaccomplissement n’aurait pu être reproché à l’intéressé.

Medal of Honor (modèle de l’US Navy)

On aurait pu s’arrêter là, mais la scène finale de combat dans le film amène Maverick à également abattre deux Soukhoï Su-57 (appelés « chasseur de cinquième génération » dans le film) à l’aide du canon Vulcan de 20mm d’un bon vieux F-14A Tomcat qu’il a dérobé à la suite de bien des péripéties. Il devient dès lors titulaire de cinq victoires aériennes, ce qui fait de lui un As

Navy Cross

Son chancelier va donc devoir se remettre au travail. En effet, durant la guerre du Vietnam, nous avons pu voir que, dans l’US Navy, un seul pilote et un seul navigateur ont atteint ce statut d’As. Ces militaires s’étaient vus attribuer la Navy Cross, médaille qui prend donc rang juste après la fameuse Medal of Honor ; on peut donc imaginer pareille récompense pour Maverick !

Quant à Rooster, le fils de Goose, qui est assis en place arrière avec Maverick, il se verrait logiquement attribuer deux victoires et une Silver Star, si l’on continue la comparaison avec les décorations décernées lors de la guerre du Vietnam, ce qui ferait de lui l’égal de son rival et sauveur Hangman.

Puisqu’on évoque les As, notons d’ailleurs que le jeune Tom Cruise en avait rencontré un vrai lors du tournage de Top Gun : le commander Randy Duke Cunningham, seul As de la Navy depuis la guerre du Vietnam. Une rencontre qui prend la forme d’un passage de flambeau pour le futur As Maverick.

Tom Cruise et Dave Cunningham

Erreurs et incohérences

L’équipe chargée des costumes a plutôt bien travaillé car le placard de Maverick est cohérent avec les opérations menées par l’US Navy entre 1986 et 2022. Toutefois, la principale incohérence entre les deux films réside dans le fait que Maverick ne porte plus deux médailles qu’il portait dans le premier opus : la Navy Expeditionary Medal et l’Humanitarian Service Medal.

La Navy Expeditionary Medal n’est plus attribuée depuis 2002 et ne peut pas se porter en même temps que l’Armed Forces Expeditionary Medal. Maverick a donc fait son choix. Quant à la Humanitarian Service Medal : il n’y a pas de raison objective à sa disparition !

Global War on Terrorism Expeditionary Medal

Il existe, par ailleurs, une erreur dans l’ordre de préséance de ses insignes dans le deuxième film. En effet, Maverick porte le ruban de la Global War on Terrorism Service Medal au septième rang, première position, alors que ce ruban est en fait censé être porté après la National Defense Service Medal au cinquième rang, en deuxième position (au milieu).

Toutes ses autres décorations sont toutefois portées dans le bon ordre de préséance.

Pour aller plus loin et revenir à la réalité

Pour finir, que reste-t-il à Tom Cruise de toute cette gloire, une fois qu’il dépose son costume de Maverick ?

L’US Navy à la particularité de pouvoir, depuis 1949, attribuer la qualité d’aviateur de l’aéronavale à titre honorifique à des personnes triées sur le volet. Le 24 septembre 2020, Jerry Bruckheimer (producteur des films Top Gun) et Tom Cruise sont devenus respectivement les 35e et 36e Honorary Naval Aviators, récompensés ainsi pour leur « impact profondément positif sur le recrutement de l’aviation navale ».

Tom Cruise (à gauche, en visio) et Jerry Bruckheimer (à droite) reçoivent le diplôme d’aviateur de l’aéronavale à titre honorifique des mains du vice admiral DeWolfe H. Miller III, commandant des forces navales américaines

Deux ans plus tard, en novembre 2022, en marge de la seconde édition du Congrès de l’aviation de chasse au Bourget, l’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace a annoncé avoir admis Tom Cruise comme nouveau membre d’honneur de la communauté des pilotes de chasse français. L’acteur de soixante ans s’est alors dit profondément honoré et fier de recevoir cette distinction.

Pour le plaisir des yeux