Référence mondiale incontournable dans le domaine des décorations, le musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie retrace l’histoire des décorations françaises et étrangères, sur une période allant du Moyen Âge au XXIe siècle.

Parmi les quelques 5000 œuvres exposées, nous vous proposons de partir à la découverte de cet illustre musée parisien à travers dix de leurs décorations les plus emblématiques, l’occasion de voir que derrière chaque insigne se cache un destin exceptionnel… 

La plaque de l’ordre du Saint-Esprit de Louis XVI

Fondé en 1578 par le roi Henri III, l’ordre du Saint-Esprit fut l’ordre de chevalerie le plus prestigieux pendant plus de deux siècles. Au nombre de cent sous Louis XVI, ses membres devaient être catholiques, d’une noblesse héréditaire remontant au moins à leur arrière-grand-père, avoir au moins trente-cinq ans et être chevaliers de l’ordre de Saint-Michel – sauf pour les ecclésiastiques.

En tant que roi de France de France et de Navarre de 1774 à 1791, Louis XVI était le grand maître de l’ordre. Cependant, à la suite de l’abolition des ordres du Roi par l’assemblée constituante le 6 août 1791, les ordres de chevalerie furent supprimés, tout comme l’ensemble des signes extérieurs supposant des distinctions fondées sur la naissance.

Bien que le roi eut exceptionnellement le droit de continuer à porter ses insignes, il souhaita se conformer aux nouveaux édits en vigueur et fit découdre cette plaque de son habit. Conservée dans la salle des ordres royaux du musée, elle est l’un des symboles du passage de l’Ancien Régime à la Révolution française. 

La petite croix de la Légion d’honneur de Napoléon Ier

Quoi de plus emblématique pour continuer notre liste que la Légion d’honneur du fondateur de l’ordre en personne ? Enfermée dans un médaillon en verre cerclé d’or, cette étoile a appartenu à Napoléon Ier et aurait été portée par l’empereur lors de son exil sur l’île de Sainte-Hélène.

Une autre décoration chargée d’histoire, donc, qui nous permet d’évoquer l’épisode tumultueux que fut la transmission de ses décorations à la suite de son décès. En effet, tandis que Napoléon avait légué tous ses souvenirs – et notamment ses décorations – à son fils, l’Autriche s’opposa au leg et les insignes furent finalement rassemblés par la mère de l’empereur, Letizia Bonaparte.

À sa mort, ces décorations furent partagés en six lots, tirés au sort et attribués aux frères et sœurs de Napoléon. La Légion d’honneur exposée au musée est donc vraisemblablement celle qui revint à Lucien Bonaparte, le deuxième frère de l’empereur, en 1836.

Le collier de la Légion d’honneur du Premier Empire

Après avoir porté un collier de la Légion d’honneur en or lors de son sacre, le 2 décembre 1804, Napoléon Ier commanda un nouveau bijou l’année suivante à l’orfèvre Biennais. Ce second collier est composé de seize médaillons, symbolisant les activités civiles et militaires récompensées par la Légion d’honneur, et de seize aigles, représentant les cohortes – les unités territoriales administratives de l’ordre avant 1809.

L’empereur fit réaliser plusieurs exemplaires de ce collier pour distinguer les princes de sa familles – ses frères Joseph, Louis et Jérôme ou encore son beau fils, le prince Eugène – et les plus grands dignitaires de l’Empire – les maréchaux Murat et Berthier, l’archichancelier Cambacérès, etc.

L’un de ces bijoux en or et émail est conservé au musée, à la suite d’un don du prince Napoléon, qui, en 1979, céda à l’État de nombreux souvenirs de son illustre aïeul.

Le collier de l’ordre de la Jarretière de Louis-Philippe

Autre collier notable – d’autant plus qu’il est toujours la propriété de la couronne britannique et qu’il est exposé avec l’accord de feu la reine Elizabeth II – celui de l’ordre de la Jarretière, le plus élevé des ordres de chevalerie britanniques.

Selon la légende, ce dernier aurait été fondé à l’occasion d’un bal à Calais : tandis que le roi Edward III dansait avec la comtesse de Salisbury, celle-ci fit tomber sa jarretière par mégarde. Galamment, le roi la ramassa et, pour mettre fin aux moqueries des convives, déclara : « Messieurs, honi soit qui mal y pense. Ceux qui rient maintenant seront très honorés d’en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement ».

La réalité est tout autre et fait écho à la Guerre de Cent Ans, en particulier au conflit dynastique qui naît à la mort de Charles IV le Bel en 1328. En effet, bien que petit-fils de Philippe IV le Bel, Edward est évincé de la succession de France. « Honi soit qui mal y pense » (sous-entendu « Maudit soit celui qui pense que je ne suis pas le prétendant légitime à la couronne de France ») est donc sa réponse aux Pairs de France qui lui ont préféré Philippe VI.

Cinq siècles plus tard, alors que cet ordre représentait l’opposition entre la France et le Royaume-Uni, il devient un symbole de ralliement entre les deux nations lorsque le roi Louis-Philippe le reçoit des mains de la reine Victoria, le 11 octobre 1844. 

La plaque de la Légion d’honneur d’Eugène Rouher

Pour représenter le Second Empire, nous aurions pu vous parler de la grand’croix de la Légion d’honneur de Napoléon III réalisée par la maison Ouizille-Lemoine, mais une plaque qui trône dans la même vitrine a attiré notre attention : celle d’Eugène Rouher.

Ce dernier, ministre à de nombreuses reprises entre 1851 et 1867 et grand défenseur de la politique impériale – à tel point qu’il a été surnommé le « vice-empereur sans responsabilités » par ses opposants – a été élevé à la dignité de grand’croix de la Légion d’honneur le 25 janvier 1860.

En juillet 1867, tandis qu’il est ministre d’État, ce qui le charge de la politique de prestige de l’Empire, il reçoit en cadeau une plaque de joaillerie composée de 673 brillants de la part de Napoléon III lui-même, en tant que « preuve de [sa] confiance et [de son] estime » ; un insigne allant donc de pair avec son rôle politique majeur.

La Médaille militaire et la Croix de guerre du maréchal Foch

Pour le maréchal Foch, impossible de choisir entre sa Médaille militaire et sa Croix de guerre 1914-1918, vous aurez donc deux décorations pour le prix d’une !

Généralissime des armées alliées pendant la Première Guerre mondiale, maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne après la victoire de 1918, Ferdinand Foch jouissait d’un prestige inégalable après la Grande Guerre ; ces deux insignes de joaillerie offerts après le conflit en sont la preuve.

D’une part, la Médaille militaire n’est pas le modèle d’ordonnance qui lui a été remis par le maréchal Lyautey le 19 février 1917 mais un cadeau de l’association des médaillés militaires datant de 1919. Notons que Foch a obtenu cette prestigieuse distinction pour ses remarquables aptitudes en tant que chef d’armée pendant la bataille de la Marne.

D’autre part, cette Croix de guerre de fabrication précieuse lui a été offerte par l’association « La Patriote » au nom de la Guadeloupe. Or, Foch n’a jamais fait l’objet d’une citation, ce qui était également le cas d’autres officiers tels de le maréchal Joffre. Il arborait toutefois une Croix de guerre avec trois palmes sur son uniforme…

La Distinguished Service Medal de Dwight Eisenhower

Seconde décoration étrangère de notre liste, cette fois appartenant à une personnalité étrangère – signe de l’éclectisme du musée – la Distinguished Service Medal (médaille du service distinguée) du général qui deviendra le 34e président des États-Unis d’Amérique : Dwight Eisenhower.

Créée en 1918, cette décoration est attribuée aux militaires s’étant distingués par un service exceptionnellement méritoire dans un poste à grande responsabilité. Et c’est le moins que l’on puisse dire en ce qui concerne le général Eisenhower, qui fut notamment nommé chef suprême des forces alliées en Europe, ce qui lui permit de préparer le débarquement en Normandie.

Les trois feuilles de chêne agrafées sur le ruban signifient que cette décoration a été attribuée à quatre reprises. Notons qu’Eisenhower la recevra une cinquième fois en 1952 des mains du président Truman, qui louera « [son] leadership militaire inspirant, [son] esprit indomptable et [son] extraordinaire dévouement aux causes de la liberté ».

La croix de guerre 1939-1945 de Pierre Clostermann

Premier des As français de la Seconde Guerre mondiale avec 33 victoires aériennes homologuées et 5 probables, Pierre Clostermann était titulaire de la croix de guerre 1939-1945 avec un nombre record de 27 palmes, soit autant de citations à l’ordre de l’armée !

Exposée dans l’espace consacré à la Seconde Guerre mondiale, cette décoration sans équivalent représente un palmarès impressionnant de plus de 2 000 heures de vol dont près de 600 durant la guerre, mais également la destruction de 225 camions, 72 locomotives, 5 tanks, 2 vedettes lance-torpilles et plusieurs tonnes de matériel.

Surnommé « le premier chasseur de France » par le général de Gaulle, Clostermann entamera ensuite une carrière d’écrivain en rédigeant notamment son autobiographie Le Grand Cirque. Sa carrière militaire terminée en 1957, il offrira sa Croix de guerre au bâtonnier André Damien en 1961, qui en fit don au musée en 2003.

Le collier actuel de la Légion d’honneur

Lors de son investiture le 16 janvier 1947, le président Vincent Auriol recevait le collier de la IIIe République sans que son nom ne soit gravé au revers car tous les maillons étant occupés. Le musée de la Légion d’honneur prit donc l’initiative de faire créer un nouveau collier à la maison Arthus-Bertrand.

Finalement remis au président Auriol le 1er décembre 1953 par le général Dassault, grand chancelier de la Légion d’honneur, il fut porté par tous les présidents lors de leur investiture jusqu’à Georges Pompidou. Valéry Giscard d’Estaing simplifia ensuite le cérémonial pour que le collier ne soit plus porté mais simplement présenté au président de la République par le grand chancelier.

Attribut d’une fonction, et non décoration décernée à une personne en reconnaissance de ses mérites, le collier consiste en une alternance de seize médaillons sur lesquels figurent les activités fondamentales du pays. Chaque médaillon porte au revers le nom d’un président des IVe et Ve Républiques, tandis que les monogrammes « HP  » représentent les initiales de la devise de l’ordre, « Honneur et Patrie ».

La plaque de grand’croix de la Légion d’honneur de Marcel Dassault

Figure majeure du monde de l’aviation à travers le Groupe Dassault, Marcel Dassault a été élevé à la dignité de grand’croix de la Légion d’honneur en 1956 après avoir produit les premiers avions à réaction de conception française avec l’Ouragan (1949), le Mystère II (1952), le Mystère IV (1954), le Super-Mystère B-2 (1955) ou encore le Mirage III (1956).

Pour fêter sa promotion dans l’ordre national, l’homme d’affaires français commanda à la maison Van Cleef & Arpels une plaque de grand’croix en or sertie de plus de 300 diamants de différentes tailles ; un véritable chef d’œuvre de joaillerie qui a été livré à son commanditaire en 1967, puis offert au musée en 2003.

Pour plus de précisions sur les décorations de joaillerie, nous vous conseillons de lire notre article dédié !

Les insignes de grand’croix de l’ordre national du Mérite du général de Gaulle

Si la majorité des décorations du général de Gaulle sont visibles au musée de l’ordre de la Libération (que nous vous recommandons également), ses insignes de l’ordre national du Mérite sont, eux, exposés au musée de la Légion d’honneur.

Une décoration d’autant plus intéressante que le général de Gaulle est à l’origine de la création de cet ordre qu’il a institué le 3 décembre 1963, afin de récompenser les « mérites distingués » rendus à la Nation.

Aujourd’hui, si l’on exclut l’ordre de la Libération, l’ONM trône en troisième place de l’ordre protocolaire derrière la Légion d’honneur et la Médaille militaire, et devant la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme, qui fait également l’objet d’une vitrine dédiée au sein du musée.

Conclusion

Nous aurions pu citer encore beaucoup de décorations car le musée regorge de trésors, mais nous préférons ne pas les « divulgâcher » afin que vous puissiez avoir le plaisir de les découvrir vous-même. Si vous êtes de passage à Paris, vous n’avez donc plus d’excuses pour ne pas franchir le seuil du musée, d’autant plus que l’entrée est gratuite !

Soyez également attentif à la page Facebook « Musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie » pour être au courant des visites guidées thématiques organisées par le conservateur (par intérim) Tom Dutheil. Nous vous donnons donc rendez-vous prochainement au 2, Rue de la Légion d’honneur !


Nous profitons de cet article pour rendre hommage à Anne de Chefdebien, qui a prit sa retraite après avoir consacré 36 années de sa vie professionnelle au musée de la Légion d’honneur, dont 24 années en qualité de conservateur