Chaque année, le 16 février, la Gendarmerie nationale rend hommage à ses militaires victimes du devoir au cours de l’année précédente. Si l’année 2020 s’était tragiquement achevée avec le décès de trois militaires en intervention à Saint-Just, portant le nombre de personnels décédés cette année-là à quatre, la Gendarmerie n’a eu a déplorer en 2021 qu’un seul décès « en mission » : un chien. L’année 2018, quant à elle, fut dernièrement la plus tragique avec la perte de quatorze gendarmes.

Cet article vise à rendre hommage aux militaires de la Gendarmerie qui ont perdu la vie en accomplissant leur devoir, et de rappeler le contexte de la création, en 1993, de l’hommage solennel aux gendarmes décédés en service. Enfin, nous présenterons la récompense attribuée en principe, à titre posthume, aux gendarmes décédés en mission.

Quatre militaires décédés en service, dont un en opération

Le chien Ice Tea, mortellement blessé alors qu’il tentait de désarmer un individu

Le chien Ice Tea, affecté au peloton de surveillance et d’intervention Gendarmerie de Vienne (Isère) a reçu une citation à l’ordre de la Gendarmerie nationale avec attribution de la médaille de la Gendarmerie avec palme de bronze. En voici le libellé :

« Chien du gendarme Loïc B. affecté au Peloton de Surveillance et d’Intervention Gendarmerie de Vienne (Isère), particulièrement dévoué et animé d’un sens élevé du devoir.

Le 25 janvier 2021, alors qu’il est engagé, avec son maître, au lieu-dit La Magne à Saint-François-de-Sales (Savoie) pour procéder à l’interpellation d’un forcené ayant menacé de mort ses proches et ses voisins, est mortellement blessé alors qu’il tente de désarmer l’individu.

Malgré une approche discrète dans le dos de l’agresseur, la présence d’un obstacle l’oblige à se mettre à découvert. Déterminé et vaillant, poursuit sa progression et en dépit d’une première blessure par arme à feu, saute sur le mis en cause et le mord au bras gauche. C’est un nouveau tir, réalisé à bout touchant, qui l’oblige à lâcher sa prise.

Par son action décisive, a permis aux forces d’intervention de prendre l’ascendant et de neutraliser l’individu alors qu’il ouvrait le feu en leur direction. Ayant toujours fait preuve, jusqu’au sacrifice suprême, d’un réel mépris du danger et d’un sens élevé du devoir digne des valeurs traditionnelles qui guident l’action de la Gendarmerie nationale et des armées, mérite tout particulièrement d’être cité. »

Trois autres gendarmes décédés en service

Trois autres militaires de la Gendarmerie nationale sont décédés en service en 2021 :

  • le brigadier Jérémy Andrieux, décédé le 12 janvier 2021 dans un accident de la route. Il était affecté au centre national d’entraînement des forces de Gendarmerie (CNEFG) ;
  • la maréchale des logis-chef Jennifer Benet, 35 ans, décédée le 28 septembre 2021 en manipulant son arme de service. Elle était affectée à la compagnie de Gendarmerie départementale d’Hyères (83) ;
  • le gendarme Gaëtan Binet, 27 ans, décédé le 7 octobre 2021 pendant une séance de sport. Il était affecté à la brigade de proximité de Port-Jérôme-sur-Seine (76).

Dichotomie sémantique

Notez que cette position en service, qui se distingue de la position de service en mission, recense les décès survenus en dehors d’une mission opérationnelle, durant les heures de travail, sur le trajet domicile-travail, en permanence, en astreinte ou lorsque le militaire travaille à distance.

Elle se distingue donc de la position en mission qui concerne, elle, l’exécution de missions opérationnelles, à savoir : maintien de l’ordre, services d’ordre, police administrative, police judiciaire, police sur la route, polices spéciales, recherche du renseignement, missions de prévention, mission de chargé d’accueil, missions de garde et de surveillance, missions militaires, opérations extérieures, opérations intérieures, appui et soutien opérationnels.

Une cérémonie d’hommage dissociée de la fête de l’arme

Si la fête de la sainte-patronne des gendarmes, la Sainte-Geneviève, est célébrée le 26 novembre, l’hommage aux gendarmes victimes du devoir est dissocié de cette journée. Ceci est une particularité de la Gendarmerie nationale. En effet, la date du 16 février a été retenue par le ministre de la Défense de l’époque, Pierre Joxe, pour que soit rendu un hommage solennel aux personnels de l’arme décédés en service au cours de l’année précédente.

Cette date correspond au jour anniversaire de la date de promulgation de la loi de 1791 portant création de la Gendarmerie nationale. Cette appellation la distingue de la Gendarmerie de France, aussi appelée Gendarmerie d’ordonnance, qui était sous l’ancien régime un corps de cavalerie lourde. Depuis, une cérémonie se tient traditionnellement dans la cour d’honneur des Invalides, en présence du ministre des Armées et/ou de l’Intérieur.

Pour les autres forces armées (Terre, Mer, Air et Espace), la journée d’hommage aux morts est effectuée soit à l’occasion de la célébration du saint-patron, soit le jour de commémoration d’un combat sacrificiel. Par exemple, les parachutistes rendent hommage à leurs camarades lors de la Saint-Michel (29 septembre), les troupes de Marine célèbrent leur Arme à l’occasion de l’anniversaire de la bataille de Bazeilles (31 août), tandis que les légionnaires commémorent le combat de Camerone (30 avril). La journée nationale de commémoration de la Victoire et de la Paix rend, quant à elle, hommage à tous les morts pour la France chaque 11 novembre.

Cérémonie d’hommage aux morts de la Gendarmerie nationale, le 16 février 2020. Crédit : SIRPA

Le message du ministre de la Défense

Pierre Joxe, ministre de la Défense de 1991 à 1993

« Pour la première fois, en métropole et outre-mer, la communauté des vivants s’unit le même jour dans le souvenir des militaires de la Gendarmerie morts au service de la France. Les champs d’honneur des gendarmes ne sont seulement les théâtres d’opérations, lieux de leurs combats aux cotes de leurs frères d’arme ou bien les terres d’Afrique, du Proche-Orient, d’Europe centrale et d’Asie sur lesquelles ils contribuent, notamment dans le cadre de l’ONU, l’exécution de nos engagements internationaux.

La rue où ils défendent l’ordre public, les villes, les banlieues et les campagnes où ils luttent quotidiennement contre criminalité et la délinquance, la montagne où ils sauvent les imprudents, la route où ils veillent à la sécurité les appellent aussi au sacrifice. Aucune hiérarchie ne peut s’établir entre les missions qu’assurent les militaires de la Gendarmerie.

La sauvegarde de la paix civile, la protection des libertés ou le succès des armes de la France invitent au même respect a l’égard de ceux qui sont allés jusqu’au bout de leur vocation militaire. Le courage et l’abnégation comme le risque ne se divisent pas, de même qu’on ne choisit pas d’honorer des victimes du devoir en fonction des circonstances ou du contexte.

Tous les morts de la Gendarmerie nationale entrent dans le même panthéon. Les dix militaires de la Gendarmerie tués en 1992 dans l’exercice de leurs missions de police judiciaire ou de police administrative les rejoignent en ajoutant leur nom au martyrologe des soldats de la loi. Saint-Exupéry écrivait dans « Citadelle » : « les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace. Je ne connais rien au monde qui ne soit d’abord cérémonial. Il n’y a rien à attendre d’une patrie sans coutumes ».

La commémoration d’aujourd’hui est une nouvelle tradition de la Gendarmerie. Désormais, chaque année, a la date anniversaire de la loi du 16 février 1791, transformant la Maréchaussée en Gendarmerie nationale, sera rendu, devant le drapeau tricolore et le marbre des monuments, l’hommage de la nation à ces hommes et ces femmes qui, faisant honneur à l’institution militaire, ont versé leur sang pour la sécurité de l’État et de leurs concitoyens ».

Pierre Joxe, ministre de la Défense

Vers une évolution du cérémonial rendant hommage aux héros de la Gendarmerie

Cette année, pour la première fois, la cérémonie d’hommage aux morts prend l’appellation de « cérémonie d’hommage aux héros de la Gendarmerie ». Une manière de mettre plus en avant l’héroïsme du gendarme dans ses missions du quotidien, par delà l’esprit de sacrifice qui caractérise chacune de ses interventions.

La citation à l’ordre de la Gendarmerie avec attribution de la médaille de la Gendarmerie nationale

Médaille de la gendarmerie avec grenade (modèle avant réforme de 2004)

Pour mémoire, la médaille de la Gendarmerie nationale fut transformée par un décret du 30 novembre 1950, alors qu’elle portait depuis le 5 septembre 1949 l’appellation de « médaille d’honneur de la Gendarmerie ». Particulièrement prestigieuse, cette récompense est destinée « aux officiers et sous-officiers ayant fait l’objet d’une citation à l’ordre de la Gendarmerie, ainsi qu’aux personnalités étrangères à l’arme ayant rendu des services importants ou qui, par leur aide particulièrement méritoire à l’occasion de ses missions spéciales, se sont acquis des titres à sa reconnaissance » (article 1er).

Cette décoration de grande valeur apparaît donc après la croix de la Valeur militaire (1956) et permet de matérialiser les citations reçues à l’ordre de la Gendarmerie uniquement. Celles-ci sont alors représentées par une grenade enflammée de bronze. Il faut attendre la réforme de 2004 pour que la médaille de la Gendarmerie nationale calque son dispositif de récompense sur celui de la croix de la Valeur militaire, comme présenté ci-dessous :

Perspectives

Depuis 2011, la croix de la Valeur militaire peut être attribuée à titre collectif, ce qui n’est toujours pas le cas de la médaille de la Gendarmerie. Peut-être connaîtra-t-on un jour une réforme du même type pour cette prestigieuse décoration valant titre de guerre, ce qui permettrait ainsi de décorer des drapeaux ou fanions, et pourquoi pas, de permettre le port d’une fourragère aux couleurs de la médaille des Pandores ?