Ce n’est rien de dire que Serge, dans l’agglomération parisienne, est une légende de l’univers des médailles. Présent depuis des années, il a connu la plupart des généraux actuels lorsqu’ils étaient à peine lieutenants. Mais au delà de sa boutique Sergequipement, connaissons-nous vraiment celui qui la dirige ? 

Au revers de la médaille, il y a un moment déjà que nous souhaitions partager des lieux ou des personnes qui nous sont familiers. Au-delà de l’intérêt que nous portons à la phaléristique, c’est aussi l’occasion de mettre un coup de projecteur sur des personnages, des boutiques et des musées qui nous ont accompagné tout au long de notre carrière. Avec Serge, aujourd’hui basé dans le 15e arrondissement de Paris, il y a toujours un accueil chaleureux, un placard original à montrer, une anecdote… Finalement, il est devenu tellement familier qu’on en oublie presque quand on l’a croisé pour la première fois.

Dans nos souvenirs, justement, c’était en 1997 dans l’impasse Truillot, à proximité du boulevard Voltaire, au cœur du 11e arrondissement de Paris. La boutique dans laquelle il travaillait était à proximité d’un grand garage Mercedes, qui est depuis devenu un parc public, à cheval entre les deux boulevards (Voltaire et Richard-Lenoir). Rappelez-vous, pour les moins jeunes, le quartier était un paradis pour ceux qui aimaient l’univers militaire : il y avait déjà les deux boutiques d’USMC, rue de la Folie Méricourt, mais aussi Histoire et Collections, cette librairie indispensable de tout fan de militaria dans laquelle on pouvait passer des heures, à l’angle de la rue Folie Méricourt et de l’avenue de la République.

Serge, à proximité dans l’impasse Truillot, était alors chez AS Équipement et fournissait une bonne partie des tenues de la Garde républicaine. A l’époque, il n’y avait pas de carnet d’habillement en Gendarmerie, il fallait acheter ses tenues après avoir reçu une allocation annuelle. Les boutiques qui vendaient des uniformes et leurs accessoires faisaient alors office de maître-tailleur et étaient nombreuses en Île-de-France. AS Équipement était l’une de celles-là, réputée pour la qualité de ses tissus. En se replongeant dans nos souvenirs et en s’intéressant à celui dont on parle aujourd’hui, nous nous doutions bien que ce n’était pas là la première vie de Serge mais nous ignorions sincèrement le début de son parcours. Heureusement, il a bien voulu nous le raconter…

La carrière de Serge

Serge au travail

Serge a débuté sa carrière en mars 1982, chez Promo Collectivités. Il y vendait déjà des effets pour la Gendarmerie et la Garde républicaine. Il utilisait alors une camionnette et passait aussi bien dans les cantonnements des escadrons de gendarmerie mobile déplacés en région parisienne, que dans les casernes de la Garde républicaine.

En 1992, il crée AS Équipement (AS étant ses initiales). Il y exerce la même activité que chez Promo collectivités, cette dernière souhaitant alors se réorienter vers les polices municipales, en plein essor depuis leur « retour » en 1983. Serge poursuit sa vente à partir de camionnettes et acquiert une petite renommée dans les casernes de la gendarmerie mobile. Il n’est d’ailleurs pas le seul puisque beaucoup de vendeurs utilisaient alors ce mode de vente.

En 1994, il ouvre une boutique dans l’impasse Truillot et y reste jusqu’en 2000. Racheté par Balsan, il s’installe ensuite rue de la Fédération, dans le 15e arrondissement. Chez Balsan, il s’occupe bien évidemment de la vente d’uniformes, son cœur de métier, mais, suite à une demande d’un client en difficulté, il « bidouille » pour la première fois une barrette de décorations.

Cette première tentative va en entraîner d’autres et, alors que la société Balsan souhaite elle aussi s’orienter vers les polices municipales, Serge commence à réfléchir à l’idée de créer une société de montage de décorations. La perspective de l’entrée en vigueur d’un carnet à points pour l’habillement en Gendarmerie s’approche à grands pas et lui confirme qu’il est temps de se réorienter.

Ce sera chose faite en 2012 avec la création de Sergequipement, qui coïncide avec la livraison de la nouvelle direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN). Serge installe alors sa boutique dans les casemates du fort d’Issy-les Moulineaux et renforce ses liens déjà anciens avec la communauté. En mai 2015, il quitte le site de la DGGN et ouvre sa boutique là où nous le trouvons actuellement, au 34 rue Jacques Baudry, dans le 15e arrondissement. En 2016, une couturière, Noria, vieille connaissance de chez Balsan le rejoint et, en 2017, c’est Suyan qui vient compléter l’équipe.

Serge
Noria et Suyan

La tradition du montage de médailles

Aujourd’hui, Sergequipement perpétue cette longue tradition de montage de médailles, qui s’est réellement développé à l’occasion de la Première guerre mondiale. Si les premières décorations – notamment la croix de guerre introduite en avril 1915 – se portent en ordonnance sur la tenue du Poilu, rapidement, un ruban de rappel s’impose par souci de discrétion. Les premiers « placards » ressemblent alors à ce modèle :

Montages sur barrettes à boules

Si la procédure de fabrication semble simple, elle reste aujourd’hui encore réalisée à la main et demande plusieurs étapes successives. Sans vouloir dévoiler ces secrets de fabrication, c’est là toute la différence d’une boutique à l’autre : la qualité des rubans, l’effet moiré ou non, le positionnement des médailles pour apercevoir les jetons, etc.

Ces étapes, dont nous vous en dévoilons quelques photos nécessitent un véritable savoir faire pour donner le résultat que vous connaissez, car vous le savez bien, au revers de la médaille nous sommes toujours friands des beaux placards du moment :

Placard du général de corps d’armée Olivier Kim

Jusqu’à la réduction des armées dans les années 2000, chaque régiment avait son maître tailleur, tandis que Paris comportait plusieurs boutiques de vente et de montage qui ont fermé aujourd’hui : Au Duc de Chartres, Marie Stuart au Palais Royal ou encore Annie Mouremble en face du Val-de-Grâce étaient des adresses que l’on fréquentait avec gourmandise, ne serait-ce que pour voir leurs vitrines garnies d’ordres étrangers.

Outre Serge, de cette époque parisienne ne restent – pour les plus connus – que l’atelier ABILIS situé à l’école militaire et Bacqueville au Palais Royal. Même Arthus-Bertrand, après la réorganisation de l’empire familial ne vend plus que des ordres français et a abandonné ses productions de médailles étrangères. Et, bien entendu, nous n’évoquons même pas les boutiques de médailles anciennes telles que celles qui existaient au Louvre des antiquaires (1er arrondissement) ou encore au Village suisse (15e arrondissement).

Étonnement, cette disparition de boutiques se cumule aujourd’hui à une véritable inflation de décorations. Et si Serge nous disait dernièrement qu’il aurait dû se mettre sur ce créneau plus tôt, je me faisais un plaisir de lui rappeler que les placards de 1982 n’avaient pas grand chose à voir avec ceux d’aujourd’hui !

Serge commençant à devenir l’un des derniers monteurs de médailles à Paris, nous ne pouvons que vous conseiller d’aller le rencontrer. Vous y trouverez une personne accueillante, des conseils avisés et même un café si vous vous lancez dans une discussion phaléristique !

La boutique Sergequipement au 34 rue Baudry (Paris)