Vous connaissez sûrement la « Hernu Cross », qui fête aujourd’hui ses quarante ans, mais est-ce que vous savez ce qu’est la « médaille des braves » ou encore le « poireau » ?

Depuis leur création, les médailles fascinent autant qu’elle suscitent du mépris. De cette ambivalence naquirent de nombreux surnoms, certains mélioratifs, d’autres péjoratifs.

Dans cet article, nous vous proposons de revenir sur l’origine des surnoms de quelques médailles, françaises et étrangères, afin de comprendre l’engouement ou l’aversion qu’elles provoquent.

Les médailles françaises

La médaille militaire

Au XIXe siècle, plus aucune décoration ne distinguait spécifiquement les sous-officiers et les soldats depuis la disparition du médaillon de vétérance en 1795, d’autant plus que la Légion d’honneur leur était de moins en moins décernée. Pour rétablir de l’équité dans l’attribution des récompenses, Napoléon III créa en 1852 la médaille militaire. Il déclara alors : « le ruban que vous porterez sur la poitrine dira à vos camarades, à vos familles, à vos concitoyens que celui qui le porte est un brave ». Ainsi était née la médaille des braves, aussi appelée le bijou de la nation ou la Légion d’honneur du sous-officier.

L’ordre des Palmes académiques

Dans un rapport adressé à Napoléon III en 1866, le ministre de l’Instruction publique Victor Duruy souhaitait que les Palmes académiques puissent être attribuées aussi bien aux instituteurs modestes qu’à leurs confrères universitaires, en prenant en exemple la médaille militaire, qui était portée aussi bien par de simples soldats méritants que des maréchaux victorieux. L’empereur accéda à cette requête et réforma les Palmes qui prirent alors la forme d’un insigne métallique suspendu à un ruban, et non plus d’une broderie sur la robe professorale. Certains surnommèrent ainsi cette distinction la médaille militaire des instituteurs. Eu égard à son prestige et à la couleur de son ruban, cet ordre fut également appelé la Légion violette.

La médaille de Sainte-Hélène

Considérée comme la première médaille commémorative française, la médaille de Sainte-Hélène a été créée par Napoléon III en 1857 afin de distinguer les « compagnons de gloire » de Napoléon Ier ayant combattu lors des campagnes de 1792 à 1815. Son surnom, la médaille en chocolat, vient de son jeton en bronze patiné. Avec le temps, ce sobriquet est également devenu une expression courante pour mépriser certaines médailles.

L’ordre du Mérite agricole

Outre le symbole du Pays de Galles, le poireau est le surnom de l’ordre du Mérite agricole, une décoration destinée à récompenser les services rendus à l’agriculture. Outre l’évidente référence au monde agricole, cette appellation s’explique par la composition de l’insigne de l’Ordre, qui est une étoile émaillée de blanc suspendue à un ruban majoritairement vert, ce qui n’est pas sans rappeler la plante potagère.

La médaille commémorative de la guerre 1914-1918

Accordée principalement aux Français présents sous les drapeaux lors de la Première guerre mondiale, c’est sans surprise que cette médaille fut nommée la médaille des Poilus, reprenant ainsi le surnom donné aux combattants de la Grande Guerre. D’ailleurs, selon le livre L’Argot de la Guerre d’Albert Dauzat, ce terme de « Poilu » désignait à l’époque un homme courageux « ayant du poil au bon endroit, pas dans la main » et non un soldat contraint de se laisser pousser la barbe, comme une croyance populaire le laisse croire.

La médaille interalliée 1914-1918

Dès le début des débats parlementaires ayant pour objet la création d’une médaille commémorative interalliée de la Grande guerre, cette décoration fut appelée la médaille de la Victoire. Initiée par le maréchal Foch, elle avait pour particularité d’être commune à toutes les nations alliées victorieuses. Si sa gravure était laissée aux soins de chacun de ces pays, la médaille devait comporter un ruban arc-en-ciel, une allégorie de la Victoire et l’inscription « Grande guerre pour la Civilisation ».

La médaille des services militaires volontaires

Tandis qu’il n’existait pas de distinction pour honorer les services rendus par les réservistes, le Président Giscard d’Estaing y pourvut en 1975 en créant la médaille des services militaires volontaires. Le surnom de Giscard Star fut donc donné confidentiellement à cette décoration qui fut remplacée en 2019 par la médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure.

La médaille de la Défense nationale

Depuis sa création en 1982, la médaille de la Défense nationale a été affublée de nombreux surnoms péjoratifs par certains militaires d’active qui n’appréciaient guère que les appelés puissent être décorés de l’échelon bronze après six mois de service, alors qu’eux devaient parfois justifier de plusieurs années pour y prétendre. Cette décoration fut donc appelée la Cochonou, la médaille en chocolat ou encore la Hernu Cross, du nom de Charles Hernu, ministre de la Défense lors de la signature du décret de création.

L’ordre national de la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite

De nos jours, on retrouve bien souvent la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite côte à côte sur les placards des officiers supérieurs et généraux. Du fait de leur assemblage quasi systématique et de la couleur unie de leur ruban respectif, rouge pour le premier, bleu pour le second, les deux ordres nationaux sont ironiquement surnommés l’eau chaude et l’eau froide en référence à l’indicateur chaud-froid que l’on retrouve sur les robinets. Notons également que la Légion d’honneur était parfois appelée la croix des braves, comme le rapporte le bulletin des vétérans des armées, en 1907.

Dans d’autres pays

L’ordre « Pour le Mérite »

Malgré ce nom français, vestige d’une époque où le français était la langue des cours royales, il s’agit bien d’une décoration prussienne puis allemande. Lors de la Grande guerre, cette prestigieuse décoration créée en 1740 était décernée aux aviateurs ayant abattu huit avions. Comme Max Immelmann fut le premier à atteindre ce nombre de victoires et que la forme de l’insigne était une croix de Malte bleue, la médaille fut surnommée le Max bleu (Blauer Max).

La Medal of Honor

Plus haute distinction militaire étatsunienne, la « médaille de l’Honneur » existe en trois versions : celle de l’Army, celle de l’Air Force et celle de la Navy. Cette dernière, entre 1919 et 1942, prenait une forme encore différente lorsque qu’elle était attribuée pour des actes de bravoure en dehors des combats. Dans ce cas, la médaille était nommée avec mépris Tiffany Cross, du nom du joaillier américain qui avait réalisé cette médaille. Du fait de son impopularité, elle sera peu décernée et les critères de la Medal of Honor furent durcis pour récompenser uniquement les actions héroïques sous le feu.

La Good Conduct Medal

La « médaille de bonne conduite » est décernée à tout militaire du rang des forces armées américaines qui, pendant trois années de suite, a servi avec honneur et fidelité. En cas de manquement (condamnation, infraction ou mise en accusation devant une cour martiale), le militaire doit attendre trois années supplémentaires pour avoir sa décoration, au point que les Américains l’ont surnommée le bon biscuit, la médaille des trois années au cours desquelles aucune faute n’a été remarquée ou encore la médaille de ceux qui ne se sont jamais faits prendre

L’ordre de l’Empire britannique

Le gong est un instrument à percussion fait d’un disque de métal suspendu que l’on frappe avec un maillet. C’est également le surnom de l’ordre de l’Empire britannique, un ordre de chevalerie établi en 1917 par le roi George V pour récompenser les services rendus à la Grande-Bretagne dans tous ses territoires. Ce sobriquet s’explique par l’aspect général de la médaille, à la fois suspendue à un ruban et dont le médaillon est circulaire comme l’instrument de musique.

La médaille du front de l’Est

Décernée aux militaires allemands ayant participé à l’opération Barbarossa en Union soviétique, cette médaille reçut de nombreux surnoms (on en dénombre une trentaine !) du fait de l’hiver particulièrement rude de 1941-1942. Devant supporter des températures atteignant régulièrement les moins trente degrés, les soldats de la Wehrmacht donnèrent à cette décoration des noms tels que l’ordre de la piste, la médaille de la viande congelée, l’ordre des pieds gelés ou encore l’ordre de la toundra.