En ce 10 octobre, nous commémorons les 123 ans de la naissance de Pierre Kœnig, le héros de Bir Hakeim. Fantassin, chasseur alpin et légionnaire, il résista sur tous les fronts où il lui fut donné de se battre : Norvège, Afrique subsaharienne, Syrie, Libye, Égypte et Tunisie.

Retour sur une carrière exceptionnelle ponctuée d’un riche parcours phaléristique, qui nous permettra de comprendre comment cet engagé volontaire de 1917 est devenu le dernier maréchal de France de l’Histoire…

Une vocation militaire précoce

Issu d’une famille d’origine alsacienne, Pierre Kœnig est né le 10 octobre 1898 à Caen. Fils d’un facteur d’orgues mutilé de la guerre franco-allemande de 1870, il manifeste son envie de « devenir général » dès l’âge de huit ans !

Tandis que la Grande Guerre éclate, le lycéen veut rejoindre l’Armée, mais son père l’incite à d’abord obtenir son baccalauréat. C’est chose faite en 1917, il peut donc s’engager au 36e régiment d’infanterie…

Premiers faits d’armes

Promu aspirant en février 1918 après avoir suivi la scolarité de l’école d’aspirants d’Issoudun, il rejoint son unité sur le front des Flandres dès le mois d’avril et prend notamment part aux batailles du Matz et de l’Ailette.

La caserne Châteaurenault abritait l’école d’aspirants d’Issoudun pendant la Première Guerre mondiale
Insigne de chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur

Cité et décoré de la médaille militaire le 8 septembre 1918 pour s’être « particulièrement distingué en entraînant sa section à l’attaque d’un bois solidement tenu et fortifié par l’ennemi », il est promu sous-lieutenant et décide de rester dans l’Armée à l’issue du conflit.

Suite à l’Armistice, Kœnig va servir successivement en Silésie, en Allemagne et au Maroc, où il obtient ses galons de capitaine en prenant part à la pacification du pays avec le 4e régiment étranger.

Participant aux diverses opérations de nettoyage dans l’Atlas, il sera nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1934 et restera déployé en Afrique du Nord jusqu’à ce que la France déclare la guerre à l’Allemagne nazie, le 3 septembre 1939.

La Seconde Guerre mondiale

Croix de guerre norvégienne avec épée

Après des mois de « drôle de guerre », Kœnig quitte le Maroc en février 1940 et prend part à la campagne de Norvège, où pour la première fois les forces alliées se confrontent à la Wehrmacht.

Son débarquement à Namsos sous le feu des Stukas allemands lui vaut d’être nommé officier de la Légion d’honneur et contribue à freiner l’avancée des Allemands en Norvège. Cependant, quelques jours plus tard, le Reich allemand passe à l’offensive en France.

La défaite britannique à Dunkerque qui s’ensuit provoque l’évacuation des troupes déployées en Norvège. Rapatrié en juin, Kœnig se heurte à l’impossibilité de reprendre le combat sur le territoire national. Il décide alors d’embarquer pour l’Angleterre, afin de rejoindre le général de Gaulle.

Arrivé à Londres le 21 juin, il se met aux ordres du chef de la France libre et lui obtient le ralliement du 2e bataillon de Légion. Parmi les missions qui lui sont confiées, il joue un rôle prépondérant dans la campagne du Gabon en novembre, ce qui permit aux Forces françaises libres (FFL) de disposer d’une base arrière en Afrique équatoriale.

L’homme de Bir Hakeim

Kœnig devient général de brigade en juillet 1941. Il combat alors en tant que commandant de la 1ère brigade française libre en Lybie, notamment lors de la fameuse bataille de Bir Hakeim (du 27 mai au 11 juin 1942).

Durant seize jours, Kœnig et ses 3 722 hommes résistèrent aux attaques de l’Afrikakorps commandée par le général Rommel et constituée de 37 000 soldats !

Le général Kœnig (à gauche) lors de la bataille de Bir Hakeim

Tenant sans relâche la position de Bir Hakeim, les Français finissent par percer les lignes italo-allemandes et rejoindre les forces britanniques dans la nuit du 10 au 11 juin. Cette victoire stratégique permit à la VIIIe armée britannique de se réorganiser à El Alamein.

Il s’agira de la première grande victoire de la France libre qui consacrera le renouveau de l’Armée française, confirmé plus tard par les victoires de Juin en Tunisie et en Italie, la prise par de Lattre de Tassigny de Toulon et Marseille et la libération de Paris et Strasbourg par Leclerc.

L’exploit de Kœnig lui vaudra notamment d’être nommé compagnon de la Libération en juin 1942 et décoré du Distinguished Service Order (ordre du Service distingué) par les Britanniques le mois suivant.

Le général Kœnig reçoit le Distinguished Service Order au Caire en juillet 1942

Général Kœnig, sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil !

Général de Gaulle

D’El Alamein à Paris

Le général Kœnig prend ensuite part à la seconde bataille d’El Alamein en octobre 1942 et à la campagne de Tunisie en avril 1943, marquant la fin de la présence des forces de l’Axe en Afrique du Nord.

Par la suite, le 1er août 1943, il prend les fonctions de chef d’état-major adjoint de l’Armée à Alger, ce qui lui permettra d’unifier les troupes d’Afrique du Nord et celles de la France libre, causant la dissolution des FFL et la création de l’Armée française de la Libération.

Le général Kœnig aux côtés du général Eisenhower, commandant suprême interallié

Tandis que le Commandement en chef français d’Alger, dirigé par le général Giraud, et le Comité national français de Londres fusionnent pour former le Comité français de la Libération nationale, Kœnig est nommé délégué en mars 1944 et prend en parallèle les fonctions de commandant des Forces françaises de l’intérieur.

Promu général de corps d’armée, il devient gouverneur militaire de Paris le 21 août, quatre jours avant la libération de la capitale, et marchera aux côtés du général de Gaulle lors de la descente des Champs-Élysées.

Le général Kœnig (à droite) marchant avec le général de Gaulle lors de la libération de Paris

L’après-guerre

Suite à la victoire sur l’Allemagne nazie, le général Kœnig est chargé de l’arrestation et de l’escorte du maréchal Pétain jusqu’au fort de Montrouge, son lieu de détention temporaire. Quelques semaines plus tard, il devient commandant des Forces françaises en Allemagne avec pour objectif d’aider le pays à retrouver une organisation démocratique.

Le général Kœnig portant la plaque de grand officier de la Légion d’honneur, l’ordre de la Libération et la médaille militaire

Il quitte ensuite son poste en août 1949, estimant que l’administration militaire indispensable au début de l’occupation pour remettre de l’ordre devait désormais céder la place à un régime plus souple confié à des autorités civiles. Il est alors élevé à la dignité de grand’croix de la Légion d’honneur.

Reconstitution des décorations françaises du maréchal Kœnig : grand’croix de la Légion d’honneur, ordre de la Libération, médaille militaire, croix de guerre 1914-1918, croix de guerre 1939-1945, croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs, médaille des blessés de guerre, médaille de la résistance française avec rosette, commandeur de l’ordre du Mérite agricole, médaille des évadés, médaille de l’aéronautique, croix du combattant, médaille de la reconnaissance française, médaille coloniale, médaille interalliée 1914-1918, médaille commémorative 1914-1918, médaille commémorative des services volontaires dans la France libre, médaille commémorative 1939-1945
Reconstitution des décorations étrangères du maréchal Kœnig : grand officier de l’ordre de Léopold (Belgique), grand-croix de l’ordre de la Couronne (Belgique), croix de guerre 1940-1945 avec palme (Belgique), grand-croix de l’ordre de l’Étoile d’Anjouan (Comores), grand-croix de l’ordre du Dannebrog (Danemark), grand-croix de l’ordre royal de Georges Ier (Grèce), grand-croix de l’ordre de Mérite civil et militaire d’Adolphe de Nassau (Luxembourg), grand-croix de l’ordre de la Couronne de chêne (Luxembourg), croix de guerre (Luxembourg), grand-croix magistrale de l’ordre souverain de Malte, grand-croix de l’Ordre du Ouissam alaouite (Maroc), ordre du Mérite militaire chérifien (Maroc), grand-croix de l’ordre de Saint-Charles (Monaco), grand-croix de l’Ordre de Saint-Olaf (Norvège), croix de guerre norvégienne, grand-croix de l’ordre d’Orange-Nassau (Pays-Bas), commandeur de l’ordre militaire de Virtuti Militari (Pologne), médaille de la Résistance polonaise en France (Pologne), compagnon de l’Ordre du Bain (Royaume-Uni), ordre du Service distingué (Royaume-Uni), ordre du Lion blanc pour la Victoire (Tchécoslovaquie), croix de guerre 1939-1945 (Tchécoslovaquie), grand-croix de l’ordre de l’Éléphant blanc (Thaïlande), grand-croix de l’ordre du Nichan Iftikhar (Tunisie), ordre de Souvorov de 1ère classe (URSS), commandeur de la Légion du Mérite (USA)

Du glaive à la toge

Médaille de l’Assemblée nationale qui fut remise au député Kœnig

Après une riche carrière militaire, Kœnig est élu à la députation du Bas-Rhin en 1951, un territoire encore meurtri par le récent conflit mondial.

Nommé ministre de la Défense et des Forces armées dans le gouvernement Mendès-France (de juin à août 1954), il le redevient au sein du cabinet d’Edgar Faure (de février à octobre 1955) avant d’être réélu député en 1956.

Président du comité de l’association « France-Israël » dans les années 1960, il décédera le 2 septembre 1970 à l’Hôpital Américain de Neuilly-sur-Seine.

Le dernier maréchal de France

Tandis que les derniers maréchaux étaient Jean de Lattre de Tassigny, Philippe Leclerc de Hauteclocque et Alphonse Juin en 1952, Pierre Kœnig a été élevé à la dignité de maréchal de France à titre posthume par décret du 6 juin 1984.

Bâton de maréchal de France du maréchal Kœnig

« Le Gouvernement de la République a estimé qu’il méritait de la nation un témoignage de reconnaissance et de gratitude à la mesure de ses services » avait alors déclaré le président de la République, François Mitterrand.

Cette distinction, la plus haute de l’armée, constitue une dignité dans l’État et récompense uniquement les généraux ayant commandé une armée victorieuse.

799 ans avant Pierre Kœnig, Albéric Clément fut le premier maréchal de France

Outre les sept étoiles, cette dignité est symbolisée par un bâton de velours bleu parsemé d’étoiles sur lequel est écrit « Terror belli, decus pacis » (terreur durant la guerre, ornement en temps de paix).

L’Histoire de France compte 342 maréchaux de France. Si Kœnig est le dernier maréchal de France à ce jour, le premier fut Albéric Clément, seigneur de Mez, nommé par le roi de France Philippe Auguste en 1185.