Si vous avez déjà aperçu un décoré de la Légion d’honneur ou de l’ordre national du Mérite porter ses attributs, vous aurez certainement remarqué que les règles de port varient selon le rang détenu. Cela est notamment visible lorsqu’une personne est promue au grade de commandeur ou élevée à la dignité de grand officier ou de grand’croix.
À l’origine, la Légion d’honneur donnait accès à la noblesse viagère et comportait un serment qui a disparu après le retour de la République en 1870. Malgré cela, cet ordre conserve aujourd’hui encore un rayonnement inégalé ; il sert régulièrement de modèle aux nombreux ordres qui se créent, au hasard des changements de régime.
Ainsi, dans le détail, le protocole de port des ordres nationaux français contient de nombreuses particularités qu’il est intéressant de connaître si l’on veut à la fois parfaire sa culture phaléristique ou simplement en distinguer les subtilités.
Généralités sur les ordres nationaux
Les ordres nationaux comprennent cinq classes : trois grades (chevalier, officier et commandeur) et deux dignités (grand officier et grand’croix). Et, pour compliquer le tout, chaque grade ou dignité entraîne une manière distincte de porter l’insigne de l’ordre.
Rappelons rapidement que, pour ceux-ci, l’admission dans l’ordre comporte toujours un cérémonial particulier. Ainsi, il n’est pas permis d’en porter les insignes avant que la cérémonie de remise officielle n’ait lieu.
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Chevalier | Officier | Commandeur | Grand officier | Grand’croix |
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Insigne en argent avec ruban moiré rouge | Insigne en vermeil + rosette sur le ruban | Insigne en vermeil porté en sautoir (cravate) | Plaque en argent + insigne d’officier | Écharpe + plaque en vermeil |
À chaque occasion ses usages
S’il est commun que les décorations soient portées sur le côté gauche de la poitrine (sauf les cravates de commandeurs et les écharpes de dignitaires), il nous revient de spécifier les codes propres à chaque événement et/ou tenue. Si certains d’entre eux sont clairement énoncés par la grande chancellerie de la Légion d’honneur (GCLH), d’autres relèvent plus de l’usage.
Cérémonies officielles et publiques
Généralités
À l’occasion d’une cérémonie, les insignes se portent au format réglementaire, on parle donc d’insignes complets ou de décorations pendantes lorsque l’on participe à un événement public ou privé.
Ces insignes complets doivent évidemment respecter le format et les dimensions imposées par le code de la GCLH (largeur de ruban, présence ou non de rosette ou de demi-ruban, diamètre des plaques, etc.).
De manière générale, les militaires ne peuvent porter leurs insignes complets que lorsqu’ils sont en armes (porteurs d’une arme à feu ou blanche) ou s’ils remettent eux-mêmes une décoration.
Enfin, pour les officiers généraux, l’usage actuel de port des insignes complets est le suivant :
– s’il est l’autorité militaire principale (AMP) de la cérémonie ;
– s’il commande la cérémonie.
Militaire en armes | Officier général remettant une décoration |
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Tenues de service courant
En dehors d’impératif de port des insignes complets, il est possible de porter des barrettes de décorations. De forme rectangulaires, allongées, d’une longueur égale à la largeur des rubans de l’insigne complet et d’une hauteur de 1 cm, les dixmudes peuvent être portées sur un uniforme militaire ou une tenue civile officielle (tenue de préfet, robe de magistrat, d’enseignant, etc.).
Les insignes peuvent être équipés en leur centre des attributs distinctifs d’une dignité ou d’un grade. Pour les commandeurs, grands officiers et grand’croix, la rosette en leur milieu est placée sur des demi-noeux qui sont en argent pour les commandeurs, mi-argent mi-or pour les grands officiers et en or pour les grand’croix.
Quelques règles de savoir-être : les barrettes de décorations ne se portent pas sur un manteau (« on ne laisse pas sa Légion d’honneur au vestiaire » dit l’adage), ni sur une tenue de service courant (type polo), ni sur une tenue de détente ou sportive. Enfin, il est proscrit de porter plus de quatre rubans par rangées, qui elles-mêmes ne doivent pas dépasser le nombre de quatre (cf. règles de port de la Marine nationale).
Habit de soirée
À l’occasion du port des insignes en habit de soirée (ou de costume civil de cérémonie), les croix de chevalier et d’officier se portent en miniature et en « brochette », c’est-à-dire en une seule rangée sur le revers de l’habit.
Pour celles-ci, le montage s’effectue sur une barrette rigide et apparente en métal doré, fixée horizontalement à 2,5 cm au-dessous de la boutonnière du revers du spencer. Autrefois, l’usage préférait le montage des décorations sur une chaînette métallique.
Les autres grades et dignités, en sautoir et/ou avec plaques, sont portés en modèle réglementaire sur les tenues de soirée.
Enfin, l’usage veut que l’on ne porte pas de décorations sur une tenue de soirée (la jaquette et la queue de pie) mais seulement sur l’habit.
Différents types de port des insignes en réduction
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Sur une barrette en métal doré | Sur une chaînette en or (usage plus ancien mais plus élégant) |
Habit de ville
En tenue de ville, c’est un décret de 1891 qui règlemente le port des décorations et médailles françaises et étrangères. Ainsi, « les personnes en tenue de ville sont seules autorisées à porter à la boutonnière des rubans ou des rosettes sans insignes, excepté s’il s’agit des décorations étrangères qui contiennent du rouge en quantité plus ou moins notable, et dont le port à été réglementé ».
Il est donc autorisé de porter – pour les chevaliers – ses insignes de décoration à travers l’ajout d’un passement de tissu au coin de la boutonnière.
Si vous hésitez entre un fin ruban cousu par un maître tailleur et une agrafe amovible sur support métallique, nous vous encourageons à (re)lire notre article sur l’élégance !
Pour les autres grades et dignités, c’est la rosette qui matérialise votre rang dans l’ordre. Dès le grade de commandeur, la rosette se porte sur un demi-noeud, également appelé demi-ruban ou canapé.
Par ailleurs, la GCLH a posé la règle que l’on ne doit porter à la boutonnière qu’une seule décoration, la plus haute dont on est titulaire.
Des usages qui évoluent dans le temps et selon les forces armées
Dans les armées jusque dans les années 2000
Lors d’une cérémonie, le port des décorations pendantes est soit requis à travers la note de service organisant l’événement, soit imposé si le militaire est amené à remettre des décorations.
Deux exceptions cependant lorsque l’on devient général ou lors du port d’une cravate de commandeur d’un ordre national
L’usage a évolué ces dernières années. Ainsi, jusqu’au début des années 2000, les généraux n’étant jamais « en armes », ils ne portaient pas leurs décorations en pendantes mais seulement en barrettes. Bien évidemment, ils portaient en complément leur plaque ou leur cravate lorsqu’ils en étaient titulaires.

En Gendarmerie
Dans le respect traditionnel des protocoles cérémonieux de l’Armée de Terre, les officiers de la Gendarmerie suivent les règles de port de décorations de leurs camarades des autres armées : port des pendantes lors d’une cérémonie de remise de décoration ou en tant que commandant des troupes.
Particularismes
Les insignes dits « en sautoir » (cravates de commandeur)
Généralités
Les insignes de commandeur et ceux de grades ou classes équivalents portés suspendus à un ruban passé autour du cou sont, par tradition, dénommés « cravates de commandeur ». Le ruban de ces insignes est passé sous le col de la chemise, ruban serré, et suivant la tenue prescrite : soit sur la cravate régate noire, soit sous le nœud papillon. Lorsque plusieurs croix de commandeur, d’un ordre autre que celui de la Légion d’honneur, doivent être portées en même temps, deux croix peuvent être suspendues autour du cou sur un même ruban. En revanche, la croix de commandeur de la Légion d’honneur est toujours portée seule.
Les commandeurs de deux ordres

Cette subtilité est plutôt rare, car elle ne concerne – généralement – que les officiers généraux des Armées et de la Gendarmerie. En effet, lorsque ceux-ci sont titulaires du grade de commandeur de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, se pose la question du port des cravates cumulé.
La GCLH imposant que l’insigne en sautoir de commandeur de la Légion d’honneur soit toujours porté seul, alors, un officier général titulaire des croix de commandeur des deux ordres, à l’occasion d’une cérémonie requérant le port des insignes complets, ne peut pas simultanément porter ses deux cravates… pourtant, il n’existe pas de « médaille pendante » correspondant à ce grade.
C’est pourquoi, dans la pratique, les généraux gardent la croix d’officier de l’ONM sur leur placard de pendantes, pour ne pas voir disparaître leur insigne correspondant. En l’absence de directives de la grande chancellerie, l’usage dicte ses règles, comme dans bien d’autres domaines !
Enfin, nous avons pu observer – même si cela est rare – une pratique fantaisiste permettant de trouver une parade à l’écueil présenté précédemment. Cette pratique non règlementaire consiste à décliner le code des barrettes de décoration des ordres nationaux plaçant la rosette de l’insigne sur un demi-noeud (canapé) aux couleurs de la dignité ou du grade, en l’occurrence, comme l’illustration l’indique, en argent pour les commandeurs.
En tunique
Dernier cas spécifique, qui ne concerne que les rares unités portant une tunique à l’occasion des cérémonies : la Garde républicaine, l’EOGN, l’ESM, l’EMIA, l’EMAC, l’ENSOA, le Cadre noir ou encore les Musiques de la Gendarmerie mobile et de l’armée de Terre (à l’exception de la Légion étrangère). Pour ces dernières, le port des insignes en sautoir se fait sous le col de la tunique, laissant seulement apparaître la croix.

Les insignes « avec plaque » ou « en écharpe »
Insignes dits « avec plaque »
Ce sont les insignes de grand officier, commandeur avec plaque et autres dignités de grades ou classes équivalents.
La plaque se porte du côté déterminé par le statut de l’ordre : pour la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite, les grands officiers portent la plaque en argent sur le côté droit de la poitrine, tandis que les grand’croix portent la plaque en vermeil sur le côté gauche.
Pour certains ordres étrangers ou religieux, l’insigne de poitrine ou l’insigne en sautoir peuvent être portés en même temps ; c’est le cas des commandeurs avec plaque.
Insignes dits « en écharpe »
Généralités
Ce sont les insignes de grand-croix et d’autres dignités ou classes équivalentes. Un large ruban barre la poitrine, passe sur l’épaule droite et se ferme à la hanche opposée avec l’insigne suspendu contre la hanche, plaqué sur le côté gauche.
En présence du Président de la République
Il existe une particularité pour le port « en écharpe », selon que le Président de la République, grand maître de l’ordre, soit présent ou non à une cérémonie. Si tel est le cas, l’écharpe de grand’croix se porte sur le gilet (costume de soirée, habit civil ou militaire). Sinon, elle se porte sous le gilet d’habit.
Grand’croix des deux ordres nationaux
Les dignitaires grand’croix de l’ordre national du Mérite, qui sont également grand’croix de la Légion d’honneur ne portent que l’écharpe de cette dernière mais peuvent toutefois porter la plaque correspondante de l’autre ordre, du même côté gauche que la plaque de la Légion d’honneur.
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En tenue de soirée |
Enfin, pour conclure cet article sur le port des ordres nationaux, notons qu’en France, seul le grand maître de l’ordre de la Légion d’honneur – en l’occurrence le Président de la République – porte le collier, alors qu’il est relativement fréquent dans les ordres étrangers de trouver une sixième classe, réservée aux chefs d’états ou aux monarques, appelée grand’croix avec collier ou classe spéciale.
Références
- Décret n° 2004-1101 du 15 octobre 2004 relatif au cérémonial militaire ;
- Décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires (modifié par le décret 2010-116 du 4 février 2010) ;
- Décret du 10 mars 1891 portant réglementation du port des décorations et médailles françaises et étrangères.
- TTA 104 ;
- Mémento du cérémonial militaire à usage des formations de l’armée de terre n° 2100/DEF/EMAT/BPO/TN/22 du 1er juin 1997 ;
- Le protocole et les usages par jean Serres, éditions Presses universitaires de France, 1967